Suite à l'enregistrement de notre dernier épisode du podcast Génération Kintsugi je me suis fait la réflexion suivante:

Témoigner nécessite d’aller puiser du courage au fond de soi. 

Témoigner nécessite du courage, pour faire face à sa vérité, à la réalité qui est parfois si difficile à appréhender.

Je pense qu’il faut aller puiser en soi, la force nécessaire, pour faire face à cette réalité, pour faire face à cet impensé et surtout oser affronter le regard de l’autre, celui devant lequel on va parler.

Personnellement, je n’ai pas toujours eu la force de témoigner.

Lorsque j’ai eu à le faire, c’était contraint et forcé.

Je n’avais pas le choix.

Mon témoignage était requis et devait être entendu.

Ainsi, je n’ai pas été en mesure de m’y préparer et cela s’est plutôt mal passé.

Ma parole n’a pas été accueillie au moment où j'ai dû la déposer.

Les questions qui m’ont été posées révèlaient de manière sous-jacente la culpabilité qui était mienne.
Je n’avais aucune envie de réitérer l’expérience et de devoir, à nouveau, exposer ce que j’avais eu à traverser.

A chaque fois que j’ai du déposer, j’étais absente, j’étais dans un état second.

C’est comme si c’était mon double qui répondait aux questions.

Mais moi, en réalité je n’étais pas vraiment là.

C’est une véritable épreuve que celle du questionnement après avoir vécu des violences.

On questionne la véracité, la réalité et de facto cela questionne notre propre approche déjà troublée, déjà brouillée par ce qui s’est passé.

J’ai fini par me dire que finalement, ce que j’avais vécu ne devait pas être si grave que cela. Car cela n’interpellait personne…

On en vient à douter de ce qu’on a traversé et à se demander si on a tout bonnement pas fait un très très mauvais rêve…

Témoigner, c’est une reviviscence de ce qui a été vécu.

Témoigner est pourtant une épreuve nécessaire, car sans témoignage, il n’y a pas de traces.

Et si, on prenait les choses dans l’autre sens?

Et si finalement, les traces de ces violences, violences parfois impossibles à nommer, étaient visibles, étaient perceptibles?

Citons par exemple: l’état d’alerte permanent, l’hypervigilance, l’impossibilité de mener une vie quotidienne normale ou d’aller dans certains lieux, le fait de se sentir mal à certaines périodes de l’année, le fait de se sentir mal avec certains sons ou certaines odeurs, le fait d’avoir des réactions jugées excessives, le fait d’avoir des pathologies physiques, des addictions…

Bref, tous ces signaux qui dénotent l’existence d’une souffrance réelle.

Nous sommes nombreux à passer par là, et ce dans des contextes divers.

Nous sommes nombreux à témoigner. Certains par choix ou d’autres dans le cadre d’une convocation.

Dans tous les cas, si l’accueil de la parole peut être anticipé, c'est mieux.

Mais c’est difficile parfois, d’anticiper une parole qui relève de l’impensé.

Pour certains, les révélations qu’on peut être amené à déposer relèvent de l’insensé, de l’inimaginable et cela ne devient pas entendable…

Alors faut-il se préparer à entendre quelque chose d’inimaginable? 

Je ne pense pas.

Et s’il suffisait de sentir à l’aise avec ses émotions? Les nôtres et celles que peuvent manifester les autres.

Ca non plus, ce n’est pas toujours simple.

Car, l’écoute peut aussi s’avérer aussi difficile pour soi.

J’ai témoigné par le passé, mais j’avoue que ne n’en avait pas la force. 
Mais cela a quand même fini par être salutaire.

Dans le nouvel épisode de Génération Kintsugi, Emmanuel, mon invité, a lui aussi trouvé en lui la force de témoigner.

Il a témoigné devant des instances spécialisées pour recueillir des faits de violences sexuelles commises au sein de l’église catholique, la CIASE ou pendant l’enfance, la CIVISE. 

Nous avons témoigné, chacun de notre côté, à des moments distincs de nos vies.

Mais nous l’avons fait.

Le retour s’avère difficile mais utile.
Car les témoignages laissent des traces.

Ils ne pourront plus jamais dire, qu’ils ne savaient pas...

Témoignage à écouter dans l’épisode “ Le chemin de la parole : De la Ciase à la Civise” sur le podcast Génération Kintsugi

About the Author

Fondatrice d'Erity, avocate pendant 10 ans, elle a elle-même connu les affres du parcours de reconstruction et le stress post-traumatique. Elle sait que faire valoir ses droits peut être compliqué quand on a été victime de harcèlement et elle s'engage pour que la procédure judiciaire ne soit pas un trauma de plus. Son but, faciliter l'accès aux ressources et aux professionnels de l'accompagnement qui peuvent aider en cette période là.

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